Descente d’échelle, régionalisation, débiaisage… comprendre le traitement des projections climatiques

Callendar
6 min readFeb 17, 2023

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Nous avons déjà vu qu’il est assez facile d’accéder aux projections climatiques utilisées par le GIEC. Cependant ces données ne peuvent pas être exploitées directement. Pour étudier l’évolution locale du climat, et surtout pour anticiper les risques humains, économiques ou environnementaux qui en découlent, certains traitements préalables sont indispensables. Généralement laissées sous la responsabilité de l’utilisateur final, ces étapes sont souvent mal comprises et peuvent fausser les résultats.

Descente d’échelle, régionalisation, débiaisage… Dans cet article nous allons essayer d’y voir plus clair dans les différents traitements qui peuvent être appliqués aux projections climatiques et leurs utilités.

Afin de limiter la longueur de l’article, une fois n’est pas coutume, le détail et l’implémentation des méthodologies mentionnées ne sont pas abordés. Les avantages et les limites de chaque méthode ne sont pas non plus détaillés.

Pourquoi un post-traitement ? Quelques rappels.

Une projection climatique est une simulation de la météo future. Ces simulations sont réalisées par de proches cousins des modèles météorologiques classiques : les modèles de circulation générale (ou Global Circulation Model, GCM).

Une projection climatique décrit un état possible de l’atmosphère à un moment donné. Ce n’est donc pas une prévision. Cependant en prenant un nombre suffisant de simulations on peut se faire une idée des conditions météorologiques qui existeront dans le futur : quel est la moyenne des projections ? Le maximum ? Le minimum ? Etc.

Les projections sont donc très utiles pour anticiper les effets du changement climatique et s’y préparer. Cependant elles souffrent de deux problèmes qui interdisent en général de les utiliser directement :

  1. Comme il s’agit de simulation mondiale à long-terme, elles ne peuvent avoir qu’une résolution spatiale limitée, typiquement de l’ordre de quelques centaines de kilomètres alors qu’une résolution de 10 km ou moins est indispensable pour représenter certains phénomènes, comme les interfaces terre-mer ou les extrêmes de précipitations.
  2. Elles sont généralement biaisées, c’est-à-dire que leur résultat contiennent des erreurs indépendantes du temps. Par exemple, un modèle climatique peut systématiquement surestimer les précipitations en hiver ou sous-estimer la température pendant les jours les plus chauds de l’année.

Le rôle des post-traitements est de corriger, autant que faire se peut, ces problèmes.

“Améliorer l’image” fournie par les modèles

Une descente d’échelle (downscaling en anglais) est un traitement qui vise à améliorer la résolution spatiale des projections. Elle peut être effectuée sur un point précis (par exemple une ville ou un station météo) ou sur une grille régulière couvrant une région plus large, dans ce cas on parle plutôt de régionalisation.

Vous voyez l’idée…

Comment peut-on améliorer une projection climatique afin de révéler des détails locaux ? Il existe deux types de méthodes : dynamique et statistique.

La descente d’échelle dynamique utilise un modèle climatique régional (ou Regional Climate Model, RCM) pour affiner les résultats du modèle global. Comme la zone couverte est plus petite, le modèle régional peut tenir compte de plus de détails (relief, trait de côte, albedo, etc.) et fournir des simulations plus fines. Le modèle régional est forcé aux limites par le modèle global : on lui impose d’avoir sur ses limites des valeurs compatibles avec le modèle à grande échelle, ce qui revient à dire que tout ce qui est en dehors de la région reste inchangé.

Les différentes régions couvertes par le projet de régionalisation Cordex (source)

Les descentes d’échelle dynamique nécessitent de disposer d’un modèle météo régional et d’une puissance de calcul conséquente. Elles sont donc presque exclusivement réalisées par des instituts de recherche ou des services météorologiques nationaux. Au niveau international, le projet CORDEX coordonne ces travaux.

La descente d’échelle statistique utilise un modèle statistique reliant la projection à grande échelle aux valeurs locales. Le modèle est ajusté en comparant des données météorologiques passées avec les valeurs données par la projection sur cette période de référence. L’hypothèse au cœur de cette approche : la relation entre les paramètres météo à grande échelle et leurs valeurs locales est stable dans le temps.

Par rapport à la méthode dynamique, les descentes d’échelle statistiques sont plus simples à mettre en oeuvre et beaucoup moins gourmandes en calcul.

Quelques méthodes de descente d’échelle statistique

La difficulté de cette approche est dans le choix de la méthode utilisée. Il en existe de très nombreuses et la “bonne” méthode dépend de nombreux facteurs : variable(s) étudiée(s), utilisation envisagée, topographie de la région, temps, ressources et expertise disponibles pour le projet…

Pour illustrer cette variété, voici quelques méthodes de descente d’échelle statistique fréquemment utilisées et relativement simples :

  • Méthode du delta : sans aucun doute la plus simple, on calcule l’évolution de la variable étudiée dans la projection et on l’ajoute aux observations locales.
    Disons que la température moyenne observée localement est de 15°C pendant la période de référence. Si la différence entre la température moyenne simulée sur la période de projection et la température moyenne simulée sur la période de référence est de 2°C, on évalue que la température moyenne locale sur la période de projection sera 15 + 2 = 17°C.
  • Régression linéaire : on cherche une relation linéaire entre la variable à grande échelle et la variable locale (ou plusieurs variables).
    Par exemple si Tl est la température locale et Tg la température à grande échelle : Tl = a.Tg + b.
  • Méthode quantile-quantile : on cherche une fonction qui permet de rapprocher les quantiles de la projection pendant la période de référence des quantiles des observations, on applique ensuite la même transformation aux projections futures. La fonction utilisée est souvent linéaire et peut être différenciée par saison ou par mois.
  • Méthode des analogues : l’idée est que les mêmes conditions météorologiques à grande échelle entrainent les mêmes conditions météorologiques à l’échelle locale, on établit ces correspondances sur la période de référence puis on les transpose aux projections.
    Par exemple, si on constate sur la période de référence que la température locale est de 17°C quand la température à grande échelle est de 15, on considérera que cette analogie est encore vraie pendant la période de projection.

Chacune de ces approches a elle même de nombreuses variations, donnant naissance à un très grand nombre de méthodes : CDF-t, Adamont, ARRM, R²D², dOTC, MBCn, MRec, DSClim, etc.

Le débiaisage

Lorsqu’on compare les projections climatiques aux valeurs réellement observées, on s’aperçoit que les modèles climatiques ont tendance à se tromper. Mais à se tromper toujours de la même manière…

Parce qu’elles sont systématiques, les erreurs des modèles climatiques peuvent être identifiées et corrigées. C’est le rôle du débiaisage.

Le principe consiste à comparer les projections et les valeurs observées dans le passé et à définir une transformation permettant de limiter l’erreur entre les deux. L’objectif n’est bien sur pas d’obtenir les mêmes valeurs pour le même jour — même dans le passé une projection reste une simulation — mais d’obtenir des caractéristiques statistiques (par exemple moyenne, écart-type ou moments) similaires.

Ca vous rappelle quelque chose ? C’est normal : les méthodes de débiaisage et de descente d’échelle se ressemblent souvent. Il n’est donc pas toujours facile de faire la différence, mais le rôle des deux opérations est bien différent :

  • la descente d’échelle vise à préciser une projection en apportant, sous une forme ou une autre, des informations sur les particularités locales,
  • le débiaisage vise à corriger les erreurs d’une projection sans apporter d’information.

En d’autres termes, certaines méthodes de descente d’échelle peuvent également fournir une correction de biais mais la correction de biais ne peut en général pas être considérée comme une descente d’échelle.

Les méthodes de débiaisage appartiennent généralement à l’une de ces trois catégories : subtraction d’une constante, multiplication par une constante ou quantile-quantile.

Une chaine de traitement typique

En pratique qu’est-ce que ça donne ? Le cheminement suivi est typiquement le suivant :

  1. Production d’une projection globale par un institut de recherche spécialisé,
  2. Régionalisation avec une descente d’échelle dynamique généralement réalisée par un autre centre de recherche,
  3. Réalisation d’une descente d’échelle statistique, le plus souvent par l’utilisateur final,
  4. Si la méthode de descente d’échelle choisie ne l’a pas déjà réalisé, débiaisage.

Enfin, si toutes les méthodes ont été correctement choisies et appliquées, la projection est maintenant prête pour étudier précisément l’impact local du changement climatique !

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