PNACC : des études de vulnérabilité climatiques, pour quelles entreprises ? Comment ?
Le 25 octobre, le gouvernement a publié son projet de plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC). Des conditions de travail en période de chaleur jusqu’à l’assurance, ce projet contient 51 propositions destinées à préparer la France face au réchauffement climatique.
Parmi la cinquantaine de propositions du PNACC, pas moins de 5, les propositions 29 à 33, concernent l’étude des vulnérabilités des entreprises et de divers secteurs de l’économie.
Ces propositions sont désormais en consultation publique, elles peuvent donc être modifiées ou même supprimées. Mais ce projet constitue déjà un signal fort pour les acteurs économiques.
Énergie, transport, activités vitales… A partir de quand votre entreprise devra faire une d’étude de vulnérabilité climatique ?
Le contenu du PNACC fait apparaitre une vision claire :
La réalisation d’étude de vulnérabilité, destinées à anticiper les impacts du changement climatique, est une première étape indispensable à l’adaptation.
Le PNACC prévoit que “la réalisation de ces études sera progressivement rendue obligatoire pour les grandes entreprises et les entreprises stratégiques” et précise le calendrier pour certains secteurs :
- Pour les “grandes entreprises gérant des infrastructures de transport et d’énergie”, ce sera dès 2025. Le plan ne détaille pas les entreprises concernées, mais on peut supposer que RTE, Enedis, GRTgaz, TRAPIL (qui exploite le réseau d’oléoducs français), SNCF réseau, RATP, Aéroports de Paris, les concessionnaires d’autoroutes (Eiffage, Vinci, Abertis…), les sociétés de gestion de ports, etc. devraient réaliser des études de vulnérabilité climatique dès l’année prochaine.
- A partir de 2025 également pour les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, en priorisant les établissements à risque ou situés en zone urbaine. Cela représente près de 15.000 sites parmi lesquels on va trouver les hôpitaux mais aussi des EPHAD, ESAT, foyers, centres d’accueil, écoles…
- En 2026, pour les autres Opérateurs d’Importance Vitale, c’est-à-dire les organisations désignées par la Loi de Programmation Militaire comme “vitales à la survie de la nation”. Les OIV vont des industries de l’armement jusqu’aux grandes banques en passant par les gestionnaires d’infrastructures majeures (eau, énergie, transport…), l’agroalimentaire ou les établissements sanitaires. Au total, environ 1400 “point d’importance vitale” exploités par 250 entreprises sont concernés.
De plus, les effets du changement climatique devront être pris en compte dans études de danger des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
En quoi pourraient consister les études de vulnérabilité climatiques du PNACC ?
Si le projet publié par le gouvernement indique clairement la voie — amener les entreprises à mieux comprendre leur exposition au changement climatique et à intégrer ces risques dans leurs décisions, elle donne peu de détails. On peut cependant faire quelques hypothèses.
Une reprise des diagnostic de vulnérabilité climatique des PCAET ?
Concernant le contenu des études, le diagnostic de vulnérabilité climatique demandé aux collectivités dans le cadre des PCAET peut fournir une source d’inspiration. Ces plans ont été rendu obligatoire pour la plupart des collectivités en 2018 et, après quelques tâtonnements, une méthodologie est désormais en place.
La grille d’analyse proposée aborde les principaux risques climatiques, des vagues de chaleur à la prolifération de pathogène en passant par les sécheresses, les RGA, les incendie ou les crues. L’évaluation est généralement basée sur des indicateurs calculés dans le cadre du projet DRIAS à partir de projections EuroCORDEX débiaisées.
Le niveau de détails est limité et l’analyse reste souvent qualitative. On ne trouvera par exemple presque jamais dans le plan climat d’une collectivité une évaluation du volume de précipitations centennal ou de la température maximale à l’horizon 2050 ou 2100. Or, ces valeurs sont indispensables, par exemple pour dimensionner correctement le diamètre de drains ou la puissance d’un système de refroidissement. Si les études de vulnérabilité demandées par le PNACC doivent servir de base à des décisions techniques d’adaptation et de réduction des risques climatique, les projections devront être plus détaillées.
Un déclinaison de l’évaluation des risques climatiques physiques déjà prévue par la CSRD ?
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) est une nouvelle réglementation européenne qui impose progressivement de nouvelles obligations de transparence aux entreprises cotées. Les premiers rapports CSRD, qui concernent pour l’instant seulement les plus grandes entreprises européennes, devront être publiés en 2025 et contenir une évaluation des risques climatiques physiques. De son côté, la taxonomie européenne est un système de classification destiné à aider les entreprises, investisseurs et décideurs à identifier les activités économiques durables, cette classification tient compte des vulnérabilités climatiques pour les projets dont la durée de vie dépasse 10 ans.
Alors l’étude des vulnérabilités climatiques prévues par le PNACC n’est-elle qu’une reprise de la réglementation européenne ? Ce n’est pas certain : dans la CSRD et la taxonomie, l’évaluation des risques climatiques physiques sert à informer les investisseurs et les parties prenantes. Les études envisagées par le PNACC sont à usage interne, elles doivent permettre aux services techniques de l’entreprise d’adapter les projets.
Les évaluation PNACC, en ciblant les infrastructures et les organismes d’importance vitale, mettent l’accent sur la disponibilité et la sureté. Elles réclameront probablement une étude beaucoup plus fine et opérationnelle que la CSRD dont l’objectif est de fournir une vision globale agrégée des risques.
Ces règlementations ont cependant en commun d’être récente et encore mouvantes. Comme elles vont être mise en œuvre à peu près au même moment, il sera important pour les entreprises concernées de veiller à la cohérence entre les différentes méthodologies. Par exemple, en s’assurant que les scénarios d’émissions, les modèles climatiques et les métriques utilisées sont comparables.
Périmètre géographique ? Scénario d’émissions ? Quelques questions en suspens
Le périmètre d’application de l’évaluation n’est pas précisé. L’entreprise devra-t-elle étudier uniquement les sites qu’elle exploite ? Ou étendre l’évaluation au territoire environnement (dont elle dépend via se salariés, fournisseurs, etc.) ? A sa chaine de valeur ? Que se passe-t-il si des sites sont situés hors de France ?
Les choix de méthodologie devrait être guidé par la finalité de l’étude : prendre des décisions éclairées. Dans ce sens, il n’est peut-être pas nécessaire d’étendre le périmètre à des sites dont l’entreprise dépend mais sur lesquels elle n’exerce pas de contrôle.
Cette approche implique aussi d’être pragmatique sur le scénario climatique utilisé. Un des objectif du PNACC est certes d’uniformiser les scénario d’adaptation autour d’un niveau de réchauffement de 4°C en moyenne en France métropolitaine. Mais ce niveau correspond au réchauffement attendu en fin de siècle en cas de poursuite des politiques actuelles. Il n’est donc pas forcément pertinent pour des projets qui ont une durée de vie courte, qui seraient par exemple arrêté vers 2050, ou au contraire une période d’utilisation très longue.
Ce scénario n’est pas nécessairement adapté non plus pour des secteurs qui ont une faible tolérance au risque, dans la mesure où un réchauffement de 4°C peut être dépassé. C’est le cas notamment des nouveaux projets nucléaires, pour lesquels le plan précise que “les futurs EPR2, les derniers modèles climatiques seront appliqués sur toute la durée de fonctionnement des installations”. On peut donc supposer que le “scénario 4°C” sera la référence mais que d’autres scénarios pourront être utilisés lorsque c’est plus pertinent.
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